épisode 22 du podcast
Il existe un vrai débat derrière cette question : dire la vérité ou ne pas dire la vérité ?
Je suis quelqu’un de très honnête naturellement. Cacher des choses, mentir, c’est quelque chose avec quoi je ne suis pas très à l’aise. Et pendant de nombreuses années, j’ai un peu lutté avec ce trait de ma personnalité. Parce que je me menais un peu ce combat intérieur : « si je ne dis pas ce que je pense vraiment, alors cela signifie que je mens. Je ne veux pas mentir, alors j’exprime ma vérité. »
Oui mais…
Mais là encore, il existe une vraie différence entre « mentir » et « ne pas dire la vérité ».
Il existe une subtilité derrière le terme d’« honnêteté ». Pour moi, être honnête cela signifie être droit dans ses baskets. Cela signifie être intègre, bienveillant. Fidèle aussi. Lorsque l’on est honnête, les autres ont confiance en nous, ils savent qu’ils peuvent compter sur notre vérité. C’est par l’honnêteté que l’on parvient à construire des relations authentiques et profondes – mais cela l’est tout autant si l’on pratique la bienveillance.
Alors si l’honnêteté blesse, si la vérité cause la douleur, faut-il l’exprimer ?
Car là est selon moi, le vrai débat.
Dans la philosophie yoga, Satya est le second des Yamas, ces 5 règles à appliquer en société pour devenir la meilleure version de soi-même. Satya fait référence vous l’aurez compris à l’honnêteté. Donc dans l’absolu, pour pratiquer Satya, il faudrait exprimer sa vérité. Oui mais (encore un mais !) cette même philosophie indique les yamas dans un ordre bien particulier, le premier étant plus important que le second, le second plus important que le troisième, etc. Juste avant Satya, il y a Ahimsa : le principe de non-violence. La non-violence, qu’elle soit verbale ou physique, qu’elle soit subtile ou profonde, est plus importante que l’honnêteté. Donc selon cette logique, si exprimer sa vérité blesse, cette dernière ne devrait simplement pas être exprimée.
Vous savez, avec les années, j’ai appris à embrasser le silence, dans toutes les circonstances. Comme je le disais en tout début d’épisode, j’avais tendance à l’époque à dire tout ce que j’avais sur le coeur, sans réel filtre. Et je me disais que j’étais obligée d’en passer par là, que j’étais d’une certaine manière obligée de blesser la personne en face de moi, pour être intègre et une bonne amie. Et figurez-vous que j’ai perdu plus d’amis en chemin, que l’inverse !! De ce constat, j’ai clairement remis en question la nécessité ou non de dire la vérité. J’ai appris, avec le temps, à peser le pour et le contre. Et aussi à me convaincre que faire le choix conscient de ne pas TOUT dire, était MA vérité assumée. Et que si l’on m’en voulait d’avoir « menti », ou du moins « de ne pas avoir dit », alors qu’il en soit ainsi. Mais moi, j’aurais été intègre et bienveillante. J’aurais été droite, alignée avec mes valeurs. Et je ne pense pas que l’on puisse vous reprocher cela… je ne pense surtout pas, que vous puissiez vous le reprocher à vous-même. Après et bien évidemment, chaque situation, chaque relation est différente. Parfois, je repousse le moment d’exprimer ma vérité, et je finis par regretter d’avoir attendu trop longtemps. Parce que parfois, ne pas dire, blesse ou détruit plus que dire. Et c’est là que réside finalement, la vraie complexité de cette question…
Rester silencieux, ce n’est pas nécessairement fuir le conflit. Rester silencieux, c’est aussi savoir faire preuve de bienveillance, de sagesse, de maturité. C’est aussi se poser les bonnes questions : qu’est-ce qui est plus important dans cette situation bien spécifique,, avec cette personne bien spécifique, que je m’exprime ou que je me taise ? Est-ce mon égo qui parle, ou mon âme qui se manifeste et qui tente de se protéger ? Qu’ai-je à gagner de dire la vérité, qu’ai-je à perdre de garder le silence ?
Trouver l’équilibre entre égo et amour de soi.
Entre honnêteté, et intégrité.
Ce que l’on accepte de dire, et ce que l’on choisit de ne pas dire, reflète finalement l’image que l’on souhaite offrir au monde. Et c’est aussi le reflet de la relation que l’on souhaite construire avec chaque individu qui fait partie de notre vie.
Alors aujourd’hui, je vais être honnête avec vous : parfois je dis la vérité, et parfois je ne dis pas la vérité. Mais je ne mens pas, je ne dis simplement pas la vérité – et c’est bien là, la différence.
« Mentir », c’est dire quelque chose de faux, quelque chose que l’on ne pense pas.
« Ne pas dire », c’est simplement ne pas exprimer ce qui aurait pour conséquence de heurter une personne ou une relation.
Parce que cette vérité, c’est potentiellement MA vérité.
Parce qu’on est finalement tous différents, et que VOTRE vérité ne sera pas nécessairement LA vérité de la personne en face de vous. Nous avons tous des grilles de lecture différentes, des modes de fonctionnement qui nous sont propres. Nous sommes tous plus ou moins sensibles, nous avons chacun et chacune plus ou moins confiance en nous. Ce qui peut vous ne pas vous blesser, peut à l’inverse, blesser la personne en face de vous.
Je vais même vous dire une autre de mes vérités : parfois, je suis fière d’arriver à la conclusion que je ne dirai pas, que mon silence sera d’or. Parce que je suis convaincue, dans ces situations bien spécifiques, que mon silence fait de moi une meilleure personne, une meilleure amie. J’ai eu la sensation que beaucoup de gens se protègent derrière le couvert de l’honnêteté. Comme si être honnête c’était la réponse unique lorsque l’on n’est pas capable de prendre une décision. Mais l’honnêteté vous l’aurez compris à présent, ne se suffit pas à elle-même. En y réfléchissant bien, j’ai même eu le sentiment que les personnes qui expriment tête baissée leur vérité, consciemment ou inconsciemment, cherchaient à se déresponsabiliser de quelque chose, à se délester de leur culpabilité. Pour se sentir plus léger. Mais alors, n’est-ce dans ce cas-là pas une forme d’égoïsme ? C’est drôle mais la dernière fois j’ai un peu bêtement tapé dans mon moteur de recherche : « faut-il dire la vérité ? ». Ça m’arrive de faire ce genre de chose, juste pour voir ce sur quoi je peux tomber. Et j’ai trouvé cette citation de Nietzsche très intéressante : « on ne dit jamais la vérité par respect pour la vérité, mais par intérêt et par commodité. Car mentir est plus compliqué que dire la vérité. » Donc si je traduis cela en des termes un peu plus simples : on n’est généralement pas honnête par intégrité, mais parce que c’est plus simple que soit de ne pas dire, soit de mentir.
Le silence est difficile à surmonter, car le silence nous met face au vide, face à nous.
Le mensonge est difficile à appliquer, car il va contre notre nature humaine profonde : je suis sure que la dernière fois que vous avez menti, vous avez éprouvé un sentiment de mal-être, de culpabilité même.
La vérité est parfois lourde à garder, et en cela, si ne pas dire la vérité créé en soi un sentiment de mal-être difficilement gérable, alors peut-être qu’il est préférable de s’en libérer – et je suis la première à prôner l’importance de la communication dans une relation saine et sincère. Mais uniquement si l’on est conscient des potentielles conséquences, et que l’on est prêt à les assumer.
La vie est faite de décision, de compromis.
Tout acte que l’on entreprend, toute parole que l’on exprime, aura un impact sur soi et sur les autres. C’est l’effet papillon.
Il n’y a pas de réponse juste à cette question, et je ne prétendrai non plus pas avoir raison sur la meilleure manière d’agir. Si je vous imposais ma vérité ici, alors je fermerais clairement et tout simplement le dialogue. Quelle vérité est bonne à dire, quelle vérité n’est pas bonne à dire… une chose est sûr, respecter les autres est tout important que respecter les valeurs sociétales et respecter les valeurs que l’on défend soi-même. Lorsque je doute sur la meilleure chose à faire, j’inverse les rôles et me met à la place d’autrui. Parce que c’est seulement en faisant preuve de compassion et d’empathie, d’écoute et d’intégrité, que l’on parvient à prendre la décision avec laquelle on sera ultimement, la plus alignée.